EN BREF

L’échantillonnage d’aliments en vue d’estimer leur composition nutritionnelle est un domaine où l’utilisation de modèles statistiques et de textes réglementaires ou normatifs est délicate. Des recommandations générales issues de la littérature scientifiques peuvent toutefois être utilisées. La connaissance des pratiques de pêche et d’élevage est indispensable pour compléter ces recommandations générales. Un cahier des charges a été réalisé pour décrire précisément les modalités de prélèvement, de préparation et de transport des échantillons. Les teneurs moyennes présentées dans les fiches nutritionnelles sur ce site sont des moyennes obtenues sur 5 analyses faites sur des lots différents. La partie analysée était la partie comestible (par exemple, les filets crus sans peau pour les poissons).

Une fois fixé le choix des espèces et des nutriments à analyser (voir les fiches méthodologie correspondantes), il s’agit de définir le plan d’échantillonnage du point de vue pratique : combien d’échantillons sélectionner et comment ? Où et quand faire les prélèvements ? Puis les échantillons doivent être préparés et expédiés pour analyse dans des circonstances à préciser.

1. Etablissement du plan d’échantillonnage

1.a. L’utilisation d’un modèle statistique est-elle possible ?

Pour bâtir un plan d’échantillonnage rigoureux, et notamment déterminer le nombre d’analyses et d’individus à prélever, on peut faire référence à un modèle statistique et/ou à la réglementation.

En ce qui concerne le nombre d’analyses, si l’on fait l’hypothèse que la teneur en un nutriment chez les individus (ici, les poissons d’une espèce donnée, par exemple) est distribuée selon une loi normale autour de la moyenne, la formule mathématique qui donne le nombre d’échantillons à prélever est :

n = (z(a)/r)2*(CV)2

où z (a), r et CV sont définis comme suit :

  • z (a) = valeur associée à la probabilité d'erreur a (trouvée dans une table)
  • r = précision souhaitée (exemple : 10%, 5%...)
  • CV = coefficient de variation, c'est à dire quotient de l'écart-type par la moyenne de la teneur en le nutriment considéré dans la population considérée.

Se pose donc le problème de connaître l'écart-type et la moyenne de la teneur du nutriment considéré dans la population considérée… Ne connaissant pas ces informations, on peut les remplacer pour le calcul par des estimations de ces paramètres dans des populations plus limitées. A titre d’exercice, nous avons pris pour estimation les valeurs déterminées par le United States Department of Agriculture (USDA, http://www.nal.usda.gov/fnic/foodcomp/search/) pour des poissons consommés aux Etats-Unis. Cette démarche a 3 limites :

  1. Nous n’avons aucune certitude que les teneurs en nutriments des produits aquatiques consommés aux Etats-Unis soient identiques aux teneurs en nutriments des produits aquatiques consommés France et que ces teneurs suivent des distributions similaires.
  2. Ce calcul n’est pas possible pour tous les nutriments et toutes les espèces car le USDA ne fournit pas systématiquement l’écart-type (ou l’erreur-sandard). Parfois, le nombre de teneurs déterminées par le USDA n’est pas suffisant pour calculer un écart-type significatif.
  3. Lorsqu’écart-type et teneur moyenne sont disponibles, pour certains nutriments, le calcul du nombre d’analyses à effectuer selon la formule précédente donne un résultat de l’ordre de la centaine, voire du millier d’analyses (même pour une précision faible), ce qui est totalement inenvisageable, vu le coût analytique.

Pour ces trois raisons, cette démarche statistique n’a pas été retenue.

 

1.b. Des textes normatifs ou réglementaires permettent-ils de déterminer un plan d’échantillonnage ?

Certes, il existe des normes (AFNOR, CEN, Codex Alimentarius, GAFTA ISO) pour définir des plans d’échantillonnage, toutefois, ces normes ont pour objectif de déterminer la qualité commerciale des produits par rapport à une valeur cible et non la détermination d’une teneur moyenne en un nutriment. Des directives européennes décrivent par ailleurs des modalités d’échantillonnage, mais pour les contaminants (métaux lourds, dioxines, pesticides…) ou les OGM pour lesquels, là encore, la problématique et les hypothèses de départ sont toutes autres que celles de notre projet.

1.c. L’échantillonnage d’aliments en vue de la connaissance de leurs caractéristiques nutritionnelles est finalement basé sur une approche pragmatique

Ne pouvant établir un plan d’échantillonnage sur des bases statistiques ou des textes normatifs ou réglementaires, nous nous sommes appuyés sur les recommandations de l’ouvrage de référence en matière de production de données de composition nutritionnelle : Food composition data, production, management and use de H. Greenfield et D.; A. T. Southgate, second edition, FAO Rome 2003. Un cahier des charges de prélèvement, de préparation et de logistique a été établi.

 

2. Cahier des charges pour le prélèvement (résumé)

Les échantillons devant être les plus représentatifs possibles des consommations, un échantillonnage sélectif a été effectué en tenant compte des spécificités des produits :

  • Pour les poissons sauvages, leurs lieux et périodes d’approvisionnement ont été sélectionnés lors des pics de débarquement et dans les ports où les plus forts tonnages sont débarqués.
    Pour les poissons qui présentent une forte variation de la composition lipidique au cours de l’année (poissons dits gras comme, le hareng commun et le chinchard commun), l’échantillonnage a été fait à deux périodes, celle où le poisson est le plus gras et celle où il est plus maigre.
  • Pour les poissons d’aquaculture française, tels que le bar, la dorade, la truite, le turbot, la carpe, les échantillons ont été prélevés dans des fermes différentes. 
  • Pour les autres poissons d’aquaculture, tels que le saumon, le tilapia, le pangasius, la perche du Nil, les différents échantillons ont été prélevés chez différents mareyeurs ou négociants à l’état frais ou congelé 
  • Pour les coquillages et crustacés
  • Pour l’huitre et la moule, les prélèvements ont été réalisés dans les principaux lieux de production. Les moules ont été cuites par les centres techniques avant analyse.

Les différents types de crevettes ont été achetés cuites chez différents cuiseurs.

  • Pour les produits transformés (conserves), les marques à prélever ont été sélectionnées sur la base des données du panel SECODIP 2004 d’achat des ménages.

Pour chacun des produits, 5 échantillons ont été préparés à partir de 5 lots différents (1 échantillon par lot). Chaque lot était constitué au minimum de 5 individus.

Un lot peut correspondre :

  • pour les produits sauvages, à un trait de chalut, à un bateau…
  • pour les produits d’aquaculture, à un producteur, à un bassin…
  • pour les produits transformés, à une marque, à une origine…

Le nombre de 5 lots a été choisi car il donnera un aperçu de la variabilité de la teneur en chaque nutriment au sein de l’espèce considérée tout en respectant les contraintes budgétaires. Ce nombre peut paraître a priori faible. Mais si l’on considère les données actuellement disponibles dans les tables de composition au CIQUAL ou à l’étranger, on remarquera qu’il est généralement rare de disposer de 5 valeurs avec ce niveau de représentativité pour déterminer une valeur moyenne. Ce nombre de 5 analyses par espèce et par nutriment constitue donc finalement une avancée extrêmement intéressante par rapport au niveau de qualité des données précédemment disponibles dans les tables de composition françaises.

Chaque échantillon a lui-même été réalisé à partir d’un minimum de 10 individus prélevés au hasard dans le lot. Là encore, la détermination de ce nombre 10 est empirique. Homogénéiser au moins 10 individus pour constituer un échantillon correspond à une tentative de limitation de la variabilité intra-lot. En effet au sein d’un lot de poissons sauvages, on peut avoir des individus de taille et de sexe différents, ce qui a peut être une influence sur la composition nutritionnelle. 

Lors du prélèvement, d’autres précautions ont été prises : les agents des centres techniques (professionnels expérimentés) vérifiaient notamment le nom scientifique, la zone de pêche, la date de pêche, les critères de fraîcheur (celle-ci devant être « extra » ou « A », voire B mais pour un maximum de 2 paramètres. Enfin, des photos numériques ont été prises des différentes espèces, avec une réglette servant de repère de taille.  

3. Cahier des charges pour la préparation : analyse à l’état cru et autres points marquants

Les produits aquatiques échantillonnés ont généralement été achetés crus (sauf les crevettes et bien sûr les conserves). La préparation qu’ils ont subie n’incluait pas de cuisson, suite aux résultats de l’étude « Etude de l’influence des traitements de conservation et de transformation alimentaires sur les acides gras du poisson » ACTIA/CEVPM/AFSSA/IFREMER/IPL/ITERG/ Pôle Filière Produits Aquatiques réalisée en 2002 et 2005. Cette étude indiquait que la cuisson certes modifie les teneurs en nutriments dans les aliments (ce qui ce conçoit aisément, ne serait ce que du fait des transferts d’eau), mais qu’il était très difficile de faire des cuissons répétables, reproductibles. Prendre en compte la cuisson dans notre étude aurait rajouté un très important facteur de variabilité difficilement maîtrisable. Si toutefois certains utilisateurs de données souhaitaient connaître la teneur en nutriments dans un produit cuit, nous leur recommandons d’effectuer des calculs à partir des données obtenues dans le cadre de ce projet et d’un coefficient de rétention de nutriments à la cuisson issu des études menées par le United States Department of Agriculture et disponibles à l’adresse suivante http://www.nal.usda.gov/fnic/foodcomp/Data/retn6/retn06.pdf

Seuls quelques produits ont été cuits par les centres techniques (moule, bulot, crevette bouquet)

Pour les poissons achetés entiers, un pelage superficiel sera effectué. En effet, les filets sont le plus souvent consommés sans peau, et la laisser ne permettrait pas d’obtenir des broyats homogènes. Le muscle brun est généralement laissé sur les filets, sauf pour les gros poissons gras comme le thon et le flétan. Pour ces espèces, le type de pelage pratiqué devra être spécifié car les dépôts lipidiques sont importants sous la peau. Idéalement, pour que l’échantillon analysé soit le plus représentatif de ce qui est mis à disposition sur le marché, un pelage machine serait préférable, mais comme cela ne pourra pas être fait par les centres techniques, c’est un pelage manuel qui a été fait.

Le parage sera extra, c’est à dire sans paroi ventrale. Les flancs seront éliminés.

Les arêtes seront éliminées autant que possible pour les gros poissons et les petits. Pour les petits poissons comme les sardines, il est toutefois probable que l’élimination des arêtes soit rarement complète, ce qui risque d’augmenter les teneurs en calcium des échantillons. Toutefois, cela correspond à la façon dont elles sont consommées

Les coquillages sont bien sûr analysés décoquillés, et les crevettes sont également décortiquées, puisque les analyses doivent porter sur la partie comestible.

Afin d’avoir un lot homogène, les produits ont été broyés mis sous vide en sacs plastiques et à l’abri de la lumière, avant envoi vers les différents laboratoires.

4. Cahier des charges pour le transport

Les produits aquatiques frais ont des durées de vie assez courte, afin de conserver au mieux la qualité des produits et faciliter la logistique. Les échantillons ont été congelés avant envoi vers les différents laboratoires.

Les produits ont donc été congelés à -20°C et ont été transportés par transporteur spécialisé à -20°C.

A réception des produits dans les différents laboratoires, la température était contrôlée pour vérifier que le produit n’était pas en cours de décongélation.

Pour la décongélation avant analyse, le protocole de décongélation était celui fixé par le programme COFRAC 80 (0°C maximum à l’air).